Ronan Gourmelon, 47 ans, 4 participations, 4 fois finisher, Breton, habite en Isère.
Ronan, pour tes 4 premières participations tu as été 4 fois finisher. Bravo ! Finalement l’Ultra Tour du Beaufortain, c’est facile ? quelle pression te mets tu ? Quel entrainement ? Quels conseils pourrais tu donner ?
L’UTB… facile ? Tu rigoles ? Le parcours est exigeant et sans être présomptueux (4 fois finishers en effet), il faut être costaud jusqu’au bout parce que même la descente sur Queige est difficile ! La pression…dire que je ne me mets pas la pression serait mentir car lorsque l’on prend le départ de l’UTB, c’est pour aller au bout et ça….c’est jamais garanti. Après, il faut relativiser, savoir se faire mal (impossible de faire autrement) mais de là à se mettre en danger, il ne faut pas franchir ce pas. C’est ce que j’apprécie avec l’ultra trail, tu peux modérer sans perdre le fil, t’as le temps de voir venir car…. Le lundi, faut retourner au boulot ! Par contre, sur un marathon (j’essaye d’en faire un par an : Paris, Barcelone…), c’est un peu plus délicat. La pression est plus forte car au fil du temps, tu ne te satisfais plus d’être finisher et tu veux faire un chrono ! Et là, tu te mets la pression, du moins c’est mon cas.
L’entrainement….euh joker ! Ben, en fait, j’ai beaucoup de mal à m’entrainer et à garder la ligne. Je cours en général 3 fois par semaine dont 2 fois durant la pause méridienne sur du plat. La 3ème sortie, je fais un peu de D+ mais rarement plus de 2h. Je n’ai jamais suivi (subi!) le moindre programme d’entrainement mais je fais du kayak et un peu de VTT, je coupe mon bois (et ça, crois-moi ça met bien la caisse !), je fais mon jardin potager (pas de motoculteur !) et chaque fois que l’on peut on randonne en famille. Là, on vient de se faire l’Etna en Sicile…ça monte à 3000 m quand même.Donc, tu vois un peu comment je fonctionne, plutôt rustique, je ne suis pas un fou de l’entrainement mais j’ai la chance d’avoir du fond, j’air toujours fait du sport et j’aime être actif (la télé et l’ordi : c’est pas mon truc !).
Si j’avais quelques conseils à donner pour aider ceux qui s’alignent pour la première fois sur l’UTB :Avant la course : * Bien se préparer : une petite cure de gelée royale 3 semaines avant, du pollen chaque matin, préparer les pieds (badigeon de citron chaque soir durant les 3 semaines précédentes)* Consulter la météo pour adapter ses vêtements : on a déjà eu des conditions dantesques dans le Beaufortin, n’est-ce pas François !
Pendant la course : * Toujours en garder sous la godasse, avec l’âge, on se connaît, ne pas se mettre dans le rouge et laisser partir, laisser partir….pour mieux revenir !* Bien manger et pas que des barres, (c’est pas un scoop !), les ravitos sont copieux mais il vaut parfois mieux avoir ses petits secrets, ses petits plaisirs (un petit sandwich fait maison avec ce que l’on aime dedans !). Côté boisson, c’est pareil, une petite bière (sans alcool) dans le sac à mi-parcours, ça passe super bien surtout s’il fait chaud.* Quand ça va moins bien, se forcer à penser à quelques chose de positif : vacances, femme, enfant c’est assez classique. L’inverse marche aussi, si la lassitude pointe son nez, tu songes à l’abandon, tu n’apprécies plus le paysage, à ce moment là, tu sors de ta poche une photo de ton chef, de ton boulot…et là tu te dis : qu’est-ce que je suis bien ici ! Ca peut être une source de motivation !
L’an passé tu n’es pas venu ! Sacrilège !Non, tu as bien fait : d’une part il faut laisser la place aux autres et voir ailleurs, ouvre les expériences ? qu’elles courses as tu fait ? Raconte !
En 2012, après le trail, je me souviens avoir discuté quelques minutes avec toi justement à ce sujet : ma fidélité à l’UTB ! Tu m’avais dit de tenter l’UTMB car c’est quand même une sacré aventure! J’ai suivi ton conseil mais ma candidature n’avait pas été retenue (tirage au sort). Du coup, je me suis inscrit, sur un coup de tête, au Grand Raid de la Réunion : la Diagonale des Fous. Et là, miracle, mon inscription a été validée. Je joins un petit CR qui est paru dans le journal de ma boîte, c’est ma plume, ce sont mes mots :
c’est une aventure incroyable que je souhaite à tous les amoureux de la nature, de l’effort, des gens de vivre une fois dans sa vie. Du pur délire ! Le Grand Raid, la diagonale des fous traverse l’île de la Réunion de St Pierre (au sud) vers St Denis (au nord), c’est 165 kilomètres de sentier avec en prime un dénivelé positif cumulé frôlant les 10 000 mètres. Une course mythique qui fascine, des années à y penser, des mois pour s’y préparer . Des allures de Tour de France sur les premiers kilomètres avec des spectateurs massés le long des boulevards, la foule qui s’ouvre sur la foulée des coureurs aux premières montées. Et puis, très vite les écarts qui se creusent sous la nuit. Le silence, la nécessité de s’adapter à la lumière de la lampe frontale soutenue par la pleine lune, les pièges – cailloux, racines – à esquiver jusqu’au lever du jour. Première nuit blanche que l’adrénaline fait oublier. Les étapes défilent : «Mare-à-boue», «Coteau Kerveguen» jusqu’à Cilaos, kilomètre 65. À la sortie, il en restera 100… Monter, descendre, monter. Et basculer ensuite dans Mafate par le col du Taïbit. Mafate, un cirque inaccessible sinon par hélicoptère ou par les sentiers de randonnée. Il faut y entrer pour se forcer à en sortir. C’est là que le manque de sommeil rattrape. Premières hallucinations, premières pensées incohérentes. Le pire, c’est que l’on en est conscient. Les yeux se ferment en marchant, certains décident de s’arrêter pour dormir, d’autres préfèrent continuer. Et puis, souvent, au détour d’un chemin, une petite voix vous pousse, un enfant vous sourit « courage Monsieur ». Le moral joue son rôle mais les jambes et les pieds trahissent. Le changement des chaussettes peut mettre les pieds en sang…ou pas. Sur le chemin des Anglais pavé de basalte, chaque pas est une souffrance. Reste à tenir quand l’allure n’excède pas 4 kilomètres heure et qu’elle coûte (pour beaucoup) une troisième nuit dehors. Dernière montée vers le Colorado, dernière descente en marchant sur des œufs, dernier virage avant d’apercevoir La Redoute, stade de la délivrance.
La Diagonale, c’est quatre marathons mais dix fois plus de sensations : des moments de doute terribles et puis une euphorie insensée au moment de franchir la ligne d’arrivée : pour ma part, Il était 12 h 45 samedi 19 octobre 2013, ça faisait 37 h 45 de course.
«J’ai survécu» clame-t-on là-bas avant de promettre : «C’est la dernière fois».
Tu as un boulot difficile avec du travail posté en 3×8 (si je me souviens bien). Que penses tu de ces courses où il faut s’inscrire 7 mois à l’avance pour espérer participer ? As tu des propositions ?
Je comprends les organisateurs, c’est un moyen de mettre tout le monde sur le même pied d’égalité car c’est un sport victime de son succès. Pour fiabiliser une orga, il faut du temps, des garanties. Aujourd’hui, de toutes façons, t’es souvent obligé de programmer, planifier, bloquer des dates….même pour faire une bouffe entre potes, c’est compliqué. Tout le monde a ses loisirs, ses activités….alors quand, en plus tu bosses, le WE. C’est « chaud patate » comme disent les d’jeunss ! Maintenant, c’est vrai que c’est décevant de se voir refuser une inscription sous prétexte que le plafond de coureur est déjà atteint. Surtout quand tu vois les mecs s’aligner sur des courses très difficiles, avec peu ou prou d’expérience. Faut pas déconner, c’est l’abandon garanti ! Je ne dis pas qu’il faut exiger des points mais il faut se raisonner.
Dans tes motivations, lors de l’inscription, tu écris « Vous ne vous rendez pas compte, comme vous êtes au top de l’organisation ». Je te remercie et tes compliments vont pour l’ensemble de l’équipe d’organisation qui m’entoure. (et dont on ne parle peu).Mais, si cette même équipe prenait la folie des grandeurs ;préfèrerais tu un « Ultra ultra de 160 km » (100 miles) avec 250 concurrents, ou, en plus du 105 km, un 85 km + un 60 km, + un 32 km, + un 17 km, + une épreuve féminine, + un relais de 20 fois 1km pour vieillard ? (ça, ça n’existe pas et je suis certain qu’on aurai du succès !)
Sans hésitation : je vote pour le 100 miles ! (si tu garantis une place pour les multifinishers du 105kms…. »je déconne »….quoique !)Pour l’équipe et l’orga, je tiens à rappeler ceci : lors de la première édition, nous n’étions qu’une quarantaine à avoir passé le Lac Saint Guerin tellement les conditions étaient mauvaises. La course a ensuite été arrêtée. On a tous pu voir le désarroi que vous aviez à ce moment là mais aussi le lendemain lors de la remise des prix. Je crois que ce jour là, vous avez touché, marqué beaucoup de coureurs et la moindre des choses était de revenir. Une ristourne nous avait même été accordée sur l’inscription de l’année suivante. Chaque année, l’orga est impeccable, pro et en même temps c’est cool et champêtre. Y a des détails qui ne trompent pas, tout le monde est impliqué jusqu’à la mairesse qui se déplace chaque année (a-t-elle été ré-élue?), je trouve ça très sympa.(Elle ne s’est pas représentée, NDLR). Cette année on va avoir des Champions Olympiques…c’est carrément génial !
Pour finir, avec un prénom pareil, tu dois être Breton, non ? As tu déjà participé au Bretagne Ultra Trail (115 km) ou au Grand Raid du golfe du Morbihan (177 km) ?
Oui, fils de paysan Breton….Saint Anne du Portzic, tout prêt de Brest, dans le Finistère. Né à 500 m de la mer, je suis amoureux de ma région mais ça ne m’empêche pas d’être attiré par les sommets (Népal, Bolivie, Chili et …et le Beaufortin !). Le Trail du Bout du Monde (que je conseille à tous, c’est évident) passe par les prairies de mes parents alors forcément, je l’ai fait et terminé mais, ne vous y trompez pas, c’est du costaud. Le sentier côtier est une pure merveille, la pointe du Minou, le Trez Hir, Le Conquet et une vue imprenable sur la mer d’Iroise. Je vous laisse rêver !
Sais tu que l’on offre une veste sans manche à tous nos « 5 fois finishers » Quelle taille fais tu ? (on en a plus en stock !!)
Je porte du « L », et ça me fera rudement plaisir de la porter si je termine, bien sûr. Je serai sans doute un peu plus en mode « économie » cette année car j’ai eu le Césame pour l’UTMB. Il faut que je garde des forces ! Kénavo